Soigner ses arbres fruitiers malades : Partie 2, la pulvérisation (+ un bonus :))

Après avoir évoqué les merveilles du badigeon à appliquer sur les troncs et les grosses branches charpentières des fruitiers vraiment malades (lire ici mon précédent article, son préambule et toutes ses nuances importantes), nous allons aujourd’hui nous occuper des petites branches 😉. Car nous sommes en février, les bourgeons commencent à gonfler (surtout ceux d’abricotiers et de pêchers, toujours en avance !) : c’est maintenant qu’il faut agir !

Les ouvrages et magazines de jardin préconisent souvent d’appliquer de la bouillie bordelaise en prévention des maladies cryptogamiques (et de certaines maladies bactériennes aussi) mais cela est bien souvent insuffisant. De plus, appliquées seules ces bouillies sont trop vite lessivées par les pluies, ce qui limite beaucoup leur efficacité et peut contribuer à un excès (souvent passager heureusement) de cuivre dans les sols.

Depuis plusieurs années, je mélange donc cuivre + soufre + teinture mère de propolis + une huile essentielle riche en carvacrol comme l’origan compact, sans oublier l’huile de colza et le savon noir qui agissent à la fois comme dispersants et fixateurs : cette synergie permets de couvrir la plupart des maladies cryptogamiques et beaucoup de maladies bactériennes du verger, car les molécules actives sont différentes et ne font donc pas doublon : le cuivre est par exemple plus efficace sur la cloque, le soufre sur l’oïdium, la propolis sur la moniliose, l’huile d’origan sur le mildiou et même certains insectes piqueurs comme les pucerons ou les cochenilles (source « Soigner les plantes avec les huiles essentielles et les huiles végétales », Eric Petiot).

J’utilise donc ce mélange avec succès, et il s’est renforcé depuis peu par de l’argile kaolinite calcinée…

Car dans son ouvrage « Des médecines douces pour vos fruitiers », l’arboriculteur bio et formateur Jean-Luc Petit insiste sur les propriétés anti-fongiques (et répulsive sur les insectes) de cette argile cuite au four selon une technique spéciale inspirée de la porcelaine : sa granulométrie très fine lui confère en effet un très fort pouvoir fixateur et asséchant. Appliquée avant l’ouverture des bourgeons, la kaolinite calcinée empêche la sporulation des champignons (cloque du pêcher par exemple), mais comme c’est une argile elle aide aussi à fixer les autres actifs de la pulvérisation. Ainsi, le cuivre n’est pas lessivé par les pluies ; il adhère fortement aux branches et n’est lavé que très progressivement, sur plusieurs mois, ce qui laisse le temps au sol de le métaboliser sans résidu et sans que les doses ne soient problématiques pour les vers de terre (entre autres).

J’ouvre une parenthèse pour préciser que grâce à sa grande finesse (elle ne colmate pas les stomates), la kaolinite calcinée peut aussi être pulvérisée sur les fruits et feuillages au printemps, ou à la fin de l’été pour prévenir par exemple la moniliose lorsque les pommes sont presque mûres. Cerise sur le gâteau, elle agit comme une sorte d’engrais foliaire très riche en silice, bien métabolisé par le feuillage, ce qui en soit renforce déjà l’arbre contre toutes sortes d’attaques : lorsque les fruits sont bien formés, et qu’il serait problématique de traiter au cuivre et au soufre à cause de la récolte toute proche, la kaolinite calcinée (éventuellement additionnée de propolis et d’origan) permets donc de continuer la prévention sans risque de brûlure sur la végétation, et sans résidu indésirables sur les fruits…

Enfin, elle agit aussi comme une sorte de filtre anti UV, ce qui peut aider les fruitiers non méditerranéens (pommier, poirier, cerisier, cognassier…) à supporter nos étés de plus en plus brûlants.

Tant de « super pouvoirs » dans une simple poudre blanche totalement naturelle… il n’est pas étonnant que beaucoup d’arboriculteurs, de viticulteurs et de maraichers professionnels aient adopté la kaolinite calcinée !

Pour en revenir à notre pulvérisation de saison, en voici enfin la recette :

Pulvérisation pour les arbres fruitiers devant lutter contre des attaques cryptogamiques et bactériennes :

1/ Verser 10l d’eau dans un seau de 15l, afin de faciliter le mélange.

2/ Ajouter 500g d’argile blanche kaolinite calcinée, 125g de bouillie bordelaise (250g pour les pêchers et abricotiers) et 75g de soufre, laisser couler sans mélanger. Si possible, laisser poser une heure ou deux, mais c’est facultatif.

3/ Dans un petit pichet en verre (car l’huile essentielle ronge un peu le plastique et le rend opaque) délayer au fouet 10ml d’HE d’origan compact dans 15 à 30ml de teinture mère de propolis. Ajouter 10ml d’huile colza, 2 c. à soupe de savon noir, mélanger de nouveau.

4/ Verser dans le seau, bien mélanger.

5/ Transférer dans le pulvérisateur, en filtrant soigneusement.

6/ Appliquer sur les branches (idéalement une ou deux fois entre novembre et l’ouverture des bourgeons).

NOTA => Comme l’argile a la fâcheuse tendance de se déposer un peu au fond, pensez à secouer régulièrement le pulvérisateur sur votre dos ( 🎶 c’est la danse des canards, qui en sortant de la mare, se secouent le bas des reins en faisant coin c… pardon, c’était juste pour vous aider à mieux visualiser le geste…)

Quelques petites notes en vrac :

-Puisque vous me l’avez demandé, j’ai ce pulvérisateur depuis 2 ans (non sponso !) et vraiment c’est le meilleur testé à ce jour. Même cette bouillie à l’argile passent bien dans la buse, la pulvérisation est fine, enveloppante, très économe en produit.

-On peut aussi utiliser cette recette de pulvérisation au potager pour lutter contre les attaques graves (sur le mildiou principalement, c’est radical). Pour les maladies moins virulentes, mieux vaut privilégier les « recettes » à moindre impact sur l’environnement… mais aussi moins onéreuses ! (Bacillus subtilis, petit lait, bicarbonate de potassium, etc.)

-L’huile de colza et le savon noir permettent à la fois de bien disperser l’HE dans l’eau et d’agir comme fixateur : ainsi, les molécules actives restent bien « scotchées » sur les branches (c’est tellement vrai qu’en été, si j’utilise cette bouillie contre le mildiou je dois ensuite savonner les tomates avant de les manger. Oui, même après plusieurs orages…).

– La pulvérisation, c’est toujours avec une combinaison et un bonnet sur les cheveux : sauf si cela vous plaît de sentir l’œuf pourri pendant deux jours, même après la douche (rapport au souffre…)

– La pulvérisation, c’est aussi avec des lunettes car un retour de vent dans les yeux serait un peu dangereux.

Et voilà… après leur masque de beauté sur les doigts de pieds de la semaine passée, vos arbres vont maintenant profiter d’une petite brumisation parfumée sur le visage.

J’espère juste que les autres fruitiers ne vont pas être jaloux. Il ne manquerait plus qu’ils fassent semblant de tomber malade pour qu’on les chouchoute un peu eux aussi…

Bonus !

Suite à la demande d’une lectrice très fidèle (coucou Cendrillon 😉) mes deux plus jeunes filles ont dessiné ce week-end mon jardin vue d’avion (et à l’échelle !) afin de vous montrer comment l’on peut introduire une centaine de fruitiers dans 1500M2 (oui parce que la semaine dernière j’ai écrit « 60 fruitiers » mais c’était sans compter mes adoptions de cet hiver où, j’avoue, je me suis un peu lâchée 😂)… Pour arriver à caser tout ce beau monde, il ne faut pas avoir peur de densifier les plantations, les associant dans des « guildes » bien pensées s’inspirant entre autres des principes du jardin-forêt, quitte même à insérer des fruitiers dans les massifs de fleurs, en guise de haie (à grignoter, c’est tellement meilleur que le thuya 😇), en lianes contre les clôtures (kiwaïs, mûres géantes…), en palissage contre la façade, etc. Ce sera le sujet d’un autre article ☺️…

Vous pouvez télécharger ce dessin ci-dessous en PDF (et même l’imprimer !), il est en HD et vous verrez mieux les détails ainsi. Je précise que j’ai rajouté les textes à l’ordinateur et il était un peu difficile que tout soit bien lisible, désolée. Je n’ai d’ailleurs pas pu noter certains fruitiers, ni détailler les variétés de vignes, de pommiers, etc. Ce sera pour un prochain article ☺️.